Témoignage de Terry
Plutôt curieux de faire un témoignage sur une absence de mission humanitaire. Pourtant, en tant que Président de Peace For People France, il me paraît primordial d’informer sur la réalité qui fut la nôtre durant ces années Covid. Ainsi, vous ne trouverez pas de témoignages d’humanitaire entre Avril 2020 et Avril 2022 car nous n’avons envoyé aucun volontaire sur place. Sur cette période, plus de 20 missions humanitaires ont été avortées en raison du contexte sanitaire mondial. Une véritable tristesse pour les équipes Françaises et Népalaises, car la venue des volontaires au Népal représente pour nous une véritable satisfaction et une récompense de tous les efforts que nous faisons au quotidien pour ce magnifique peuple Népalais.
Cette impossibilité de projet a été forcée par le contexte politique Népalais (restrictions d’accès au territoire et le refus du gouvernement local d’aller dans les écoles) ainsi que le choix de nos associations. En effet, les capacités de soins au Népal sont loin d’être similaires à ce que l’on peut trouver dans nos pays occidentaux et pour la sécurité de la population, nous n’avons pas souhaité prendre de risque. De plus, le travail que nous menons est un travail sur le long terme, pour nous, il nous était impensable qu’un bénévole puisse potentiellement ramener le Covid-19 dans les villages et qu’il en soit tenu responsable. La confiance que nous accorde la population locale est primordiale et nous a poussés à être plus que raisonnables. Dans les faits, cela m’a poussé à expliquer individuellement à toutes les personnes qui rêvaient d’un projet humanitaire, l’impossibilité de venir au Népal. Je n’aurai jamais pensé que mon engagement associatif en France serait associé à autant de tristesse et de déception.
Mais finalement, au-delà de ces difficultés liées aux associations, cette crise sanitaire a mis en difficulté nombre de Népalais, qu’ils travaillent avec nous, qu’ils s’agissent de nos proches ou bien simplement la population locale que nous soutenons. En effet, durant cette crise, les Népalais ont, à notre image, été confinés à leur domicile et pour beaucoup de personnes indépendantes, il fut difficile de rester seules, entraînant un retour au sein des familles. Ce retour a malheureusement mis en exergue les dérives/problématiques sociétales du Népal, à savoir la mise en place de mariages forcés ou du moins des mariages très arrangés. Les pressions familiales sont si fortes qu’il est presque impossible d’aller contre l’avis des familles. Nous avons ainsi observé de manière impuissante le mariage de personnes qui ne souhaitaient absolument pas se marier et qui ont été forcées de se marier avec une autre. L’autre possibilité, si cela représente réellement une possibilité, était de trouver une personne tierce pour se marier qui pourrait “convenir” afin d’éviter de se retrouver dans un mariage avec un parfait inconnu. Si cela ne suffisait pas, nous avons observé toujours aussi impuissant la détresse morale et mentale de la population Népalaise. Je n’ai pas de chiffre exact à donner, mais de nombreuses personnes se sont suicidées au Népal en raison des divers confinements et de la pauvreté qui a induit une impossibilité de s’alimenter et/ou de s’hydrater, principalement dans les centres urbains. L’absence d’avenir, l’absence de soutien social et financier a entraîné une vague de décès sans précédent qui a impacté bon nombre de familles Népalaises. Au-delà du passage à l’acte, de trop nombreuses personnes que l’on côtoie ont souffert de dépression, de stress et d’anxiété sans que l’on ne puisse rien faire pour elles. La possibilité d’aller voir un psychologue et/ou psychiatre au Népal est presque impossible, du moins pour les personnes ne faisant pas partie des 1% les plus riches, autant dire toutes les personnes que nous connaissons. De plus, cela reste encore à l’heure actuelle un sujet des plus tabous. Enfin, il a fallu, à notre grand désespoir, observer les enfants ne pouvant plus aller à l’école. Entendre le gouvernement Népalais dire que les cours seraient accessibles par la télévision ou la radio. Une grande utopie. L’impossibilité d’aller dans les écoles signifiait pour la majorité des enfants avec lesquels nous travaillons le retour dans les cultures agricoles pour travailler la terre afin de soutenir leurs familles. Tout ce pour quoi nous nous battons fut mis à mal par cette pandémie, tout en ayant conscience que cela sera aussi un véritable combat d’inciter les familles à scolariser de nouveau leurs enfants quand cette crise sanitaire se serait calmée.
Écrire ce témoignage n’est pas évident, car il rappelle de nombreux souvenirs qu’on aimerait bien éluder. Mon témoignage est un témoignage de ma mission humanitaire, non pas celle que je peux réaliser quand je suis au Népal, mais celle que je réalise à distance en France. Ce témoignage dénote avec ceux que nous collectons de nos bénévoles qui réalisent des projets de volontariat au Népal, mais il nous paraît important de le publier afin de montrer la réalité de notre quotidien et ce qu’implique notre engagement. Derrière les magnifiques images et vidéos que nous pouvons partager, les chiffres représentant l’impact de nos actions, il y a de nombreuses heures de travail que cela soit dans des moments des plus doux ou d’autres bien plus complexes. Je remercie énormément tous les bénévoles de l’association Française qui m’ont soutenu et accompagné durant cette période des plus difficiles et à l’amour infini que m’ont donné mes proches Népalais pour tenir bon durant cette période. Ils vivaient les choses les plus difficiles, mais ils ont toujours fait preuve d’optimisme et d’espoir sans jamais ne serait-ce qu’une fois se plaindre. Dherai dherai dhanyabaad mero Nepali pariwarik (Merci beaucoup à ma grande famille Népalaise).