Témoignage d’Inès
Jour 24 : Départ, perdu dans mes pensées
Ce matin, nous nous levons à 4h30, je me sens bien, je suis apaisé. La famille nous fait un tika pour nous bénir et nous protéger ; le grand-père effectue de nombreuses prières. Nous nous préparons et partons avec nos gros sacs pour une dernière descente de la montagne. Je suis contemplative et plongée dans mes pensées. Sur la route vers Katmandou, les autres dormaient, moi je ne faisais que penser.
Depuis mon arrivée, mon regard sur ce pays a changé, je regarde sans jugement toutes ces personnes, toutes ces habitations, tous ces visages. J’ai compris cette culture, leurs modes de vie, leurs visions de celle-ci. J’ai appris et grandi de cette expérience qui m’a ouvert les yeux. J’ai l’impression que cette famille nous a plus apporté, que ceux que nous leur avons apporté. Ces personnes qui n’ont presque rien matériellement mais qui ont tout humainement dans leurs cœurs. Qui sont prêtes à tout partager et qui nous ont traités comme leurs propres enfants sans même nous connaître. À leur côté, j’ai confirmé le fait que le bonheur est la clé de la vie humaine, et que chacun de nous doit trouver quelles sont les serrures qui y mènent. Cette famille vit une vie simple mais elle est heureuse, heureuse de partager leurs repas, heureuse d’être ensemble et unis, heureuse de partager. Je me souviendrai longtemps des sourires et des rires de « Mummy »,la grand-mère alors qu’elle ne comprenait pas un mot de ce que nous disions. De ces pleurs lors de nos adieux. De sa dévotion à cuisiner matin et soir pour 11 personnes en plus de sa famille et de tout le travail qu’elle avait déjà à abattre. Je me souviendrai de cet homme d’une sagesse incomparable, habillé uniquement d’une toge blanche. De ces prières régulières à 5h du matin, un homme qui nous a accueillis chez lui malgré nos différences. Je me souviendrai de Prabat notre petit frère à tous et des enfants du village jouant avec nous avec des étoiles dans les yeux, leurs rires et leurs sourires n’ont aucun prix. Je me souviendrai de Santosh, un homme calme, réfléchi et dévoué aux autres, qui donne sans compter. Un homme bon avec un cœur pouvant accueillir plus de 100 enfants. Un homme sage et en avance sur son temps, cherchant à faire avancer les mentalités, et les modes de vie. À chaque fois que je l’écoutais parler, je buvais ses paroles. Ce pays m’a donné foi en l’humanité ! Le « ensemble on est plus fort » ne sonne plus faux ! En regardant le paysage défiler devant moi, je suis en paix.
Mais j’ai oublié tellement de choses dans ce récit, comment vous parler du Népal sans vous parler de ces femmes habillées en rouge, fuchsia, jaune, orangé, de leurs sourires, de leurs lèvres rouges, de leurs nombreux bijoux et piercings aux oreilles et au nez. De leurs forces à porter des paniers aussi grands qu’elles, qu’elles remplissent de fourrage, vous les rencontrerez au bord des chemins avec une faucille à la main. De leurs vies et de leurs devoirs, de leurs dévotions envers leurs familles, maris et maisons.
De ces enfants pleins de curiosité toujours prêts à jouer et à vous découvrir, de leurs costumes bleus semblant en décalage avec le décor de cette jungle montagneuse. De leurs courage à marcher 1 à 4h par jour pour se rendre à l’école. De leur joie communicative, de l’amour qu’ils vous donnent.
De ces motos et tuk-tuks, passant partout en étant souvent chargés de plus de passagers qu’il ne faudrait. De ces routes, dont la circulation et les règles n’ont de sens que pour un Népalais. De ces klaxons, tous aussi originaux et farfelus les uns que les autres. De ces bus locaux bondés, fonçant à toute allure avec une musique entraînante. De ces portiers, tapant 3 fois sur la porte du bus pour le faire partir, dont la porte n’est jamais fermée. De ces bus, où certains sont assis sur le toit et même parfois avec des chèvres.
De ces odeurs de curry, fenouil et masala mélangées au riz, de ces nombreuses bassines de patates, haricots et doigts de fée à éplucher chaque jour. De ces assiettes compartimentées et de nos doigts attrapant nos bouchées de riz. De ces gâteaux trop sucrés à tremper dans un thé. De ces moments de partage d’un bon repas en famille. De ces petites boutiques tellement remplies qu’il y a des objets du sol au plafond et sur tous les pans du mur. De ces habitations qui vous reçoivent pour vous préparer le repas, ou pour y boire un soda bien frais.
De ce soleil brûlant, de cette humidité collante, de ces pluies violentes, de ces orages et éclairs impressionnants, de ces couchers de soleil à couper le souffle. De ces paysages montagneux sublimes, de cette jungle sauvage. De ces cascades boueuses et chaudes se faufilant au cœur de la jungle. De ces animaux de compagnies petits et secs courant dans la cour de la maison. De ces cafards et scarabées rampant et courant jusque dans votre chambre.
De leur religions hindouiste ou bouddhiste, du tika sur leurs fronts et à la racine des cheveux, de leurs prières matinales, des cloches, de leurs respects pour la vache, de leurs cérémonies post-mortem, de leurs fêtes lors des nouvelles lunes.
De ces élections tout sauf démocratiques, des camions de propagande remplis de personnes avec une enceinte énorme, de tous ces drapeaux de partis. De ces camions chantant sur les chemins de terre dans la campagne.
De ces discussions où nous étions assises autour du bac à eau lors de nos longues lessives, de ces vêtements séchant au soleil sur le toit de la maison. Comment vous en parlez sans parler de partage, de vie en communauté et d’entraide. De leur accueil chaleureux malgré toutes nos différences.
Comment vous parler du Népal sans vous dire que vous y trouverez la paix et l’apaisement de votre âme, vous y sourirez et pleurerez.
धन्यवाद