Expérience d’Anne-Lise – Anita अनिता
A la croisée des chemins – Dhading – Népal – Mars 2020
Avant le départ J-1 :
Où est donc la checklist que Terry a envoyée ? Ohhhh je n’aurai jamais assez de temps pour tout boucler avant le départ demain ! Je cours partout. Est-ce que je serai assez en forme pour la marche et pour vivre pleinement cette expérience de groupe ?
Partir loin : c’est la meilleure chose que j’ai à faire à ce moment précis. Je m’en remets au groupe. J’ai besoin de laisser aller certaines choses du passé et je sens que ce voyage va m’aider dans mon cheminement.
J1 :
J’embarque direction Katmandou avec 3 compagnons de route : Christel, Bérénice et Florian. À notre arrivée, Terry et Santosh nous attendent et nous offrent des colliers de fleurs d’œillets et des écharpes colorées, en signe de bienvenue. Quel accueil chaleureux !
La marche :
Notre autobus nous conduit dans le district du Dhading, en empruntant des routes accrochées à flanc de montagne. Profusion de couleurs, circulation dense, joyeux tumulte des klaxons : vu de nos yeux d’Européens, ça ressemble à un formidable bazar dépourvu de toute cohérence. Pourtant, chacun se fraye son chemin dans le respect des uns et des autres, et avec le sourire.
L’aventure commence. Sur les pentes parfois escarpées du district, Français et Népalais progressent. Ici les routes qui relient les habitations entre elles sont faites de terre et de pierres. Elles s’érodent sans cesse. Là, elle a été emportée par une forte pluie survenue récemment. Nous franchissons cet éboulement avec prudence, un par un, le groupe s’étire en joyeuse ribambelle. Des mains aidantes se tendent, et les obstacles s’effacent.
Santosh ferme la marche et veille sur le groupe. Il est notre gardien protecteur. Il a parlé au soleil, aux montagnes, aux astres, aux arbres et au vent. Om mani padme hum.
Nous arrivons à l’école Shree Bahari. Des sourires, toujours, et une pluie de fleurs nous accueillent. Des cris de joie, des chants, et de la curiosité aussi envers ces Européens et leurs drôles d’habits de randonneurs. L’émotion est vive quand les enfants font leur au-revoir à Juliette et Célia, qui ont passé quelques semaines en mission auprès d’eux.
Nous reprenons la route, les enfants nous font signe depuis leur école, et nous entendons leur au-revoir jusqu’à ce que la route bifurque. Le groupe est bien silencieux tout à coup. Alors Madhu, Sanu et Kabi grimpent dans un rhododendron pour cueillir des Lallilugas, la fleur-emblème du Népal. Au-delà des mots, il y a des attentions et des gestes qui connectent les cœurs.
Nous descendons vers une rivière, la descente est raide, Denis et Sudip me prêtent main forte. Punam organise le passage du gué de la rivière. La rivière charrie quantité de pierres de toutes tailles. Des femmes les ramassent, le dos courbé, les pieds dans l’eau. Nous observons un balai incessant et assourdissant de camions qui vont et viennent, emportant ces pierres au loin là-haut, et revenant à vide. Ils y travaillent jusqu’au bout de la nuit. Nous les entendons depuis notre bivouac.
Les Népalais nous expliquent que ces pierres seront vendues pour la réparation et la construction des routes. L’érosion, la mousson et le dénivelé entraînent les routes au fond de la vallée, alors il faut les remonter sans cesse.
Ces routes me posent question : à la fois elles relient les habitations et les hommes, tout comme elles peuvent constituer de grands obstacles à leur développement. Des écoliers empruntent ces mêmes routes chaque jour, marchant des kilomètres, seuls, pour rejoindre leur classe. En cette saison, il fait sec et doux, mais par temps de mousson, le sol se transforme en chaos boueux. Notre participation à la marche va permettre, entre autres, de financer un 2nd uniforme à ces écoliers. Quand je pense à mon sac à dos et mes affaires de rechange pour la marche, je me dis que nous n’avons pas la même définition du minimum nécessaire…
Sur notre parcours du jour, j’échange avec Geeta, une jeune femme très déterminée et engagée dans des actions locales en faveur de l’éducation et du droit des femmes. C’est un travail de fourmi, admirable, son énergie semble intarissable. Geeta aussi emprunte ces routes pour informer les populations, d’habitation en habitation.
Avec Ashok et Santosh, je prends conscience d’autres réalités liées à ces routes : à cause de la distance entre chaque village, certains enfants ne peuvent pas être scolarisés. Les personnes nécessitant des soins médicaux d’urgence ne peuvent être secourues, faute de pouvoir rejoindre à temps les rares structures médicales situées dans la vallée. Les marchandises sont elles aussi difficilement transportées. Enfin, et cette réalité est bien visible, les déchets ne peuvent être collectés.
Sur notre chemin, j’ai été témoin de beaucoup de souhaits et de vœux : ceux que nous recevons sur le front avec le tika, les souhaits d’avenir de nos étudiantes françaises Charlotte, Julie, Gwenn, Tiphaine, les vœux de Madhu, Punam, Geeta, Ashok et Apsara pour leur communauté, les prières de Santosh et de sa famille, les projets d’avenir de Peace for People… tous me remplissent d’optimisme et je leur souhaite d’aboutir sereinement.
Cette marche se vit comme un temps de méditation, à la croisée des chemins.
J’envoie un grand merci à tous les participants pour leur bienveillance, leur partage et générosité, les danses, les chants et les sourires qui ont jalonné cette aventure humaine.
Namaste